Alors qu’il venait de participer à l’arrestation retentissante des tristement célèbres Sinatra il y a quelques jours, l’agent prenait un peu de repos sur l’archipel des Sabaody. Sa hiérarchie l’y avait autorisé, bien entendu. Même si l’arrestation des hommes de mains du millionnaire avait éveillé leur attention, ses récents faits d’armes l’avaient conforté dans sa crédibilité d’agent. Etant donné la situation actuelle, les priorités se trouvaient ailleurs, de toute façon. Le Gouvernement Mondial avait besoin de tous les effectifs disponibles, qu’ils soient marines ou agents, pour rétablir l’ordre et rééquilibrer les forces.

Matthew profita donc de son congé pour retourner en enfance. Après avoir bu un cocktail sucré aux milles couleurs, il se dirigea vers les attractions de la fête foraine. Il était aussi sensé être convalescent. Il avait accumulé plusieurs blessures, dont une notable estafilade dans son dos, due à la folie meurtrière de Strange D. Nana. Ce fut la première mais pas la dernière blessure qu’il avait subie. Heureusement, ces quelques jours avaient suffi pour qu’il se rétablisse presque entièrement. Seuls subsistaient 2-3 pansements, en plus de cicatrices temporaires. Au-delà de ces témoins physiques, il s’amusait donc au milieu de la foule.

Ayant revêtu son déguisement, on le prenait d’ailleurs plus pour un type mentalement dérangé. Avec son chapeau, son grand sourire et son habit trop grand pour lui, on le prenait pour un type certes un poil dérangé mais plus inoffensif qu’autre chose. Il préférait être vu ainsi sur des attractions pour enfants, cela l’évitait de devoir continuellement s’expliquer et révéler aux autres son état. Et puis, il fallait aussi avouer qu’il adorait voir la surprise et l’incompréhension sur la tête des gens autour de lui. Sur ce, après avoir fait plusieurs fois le tour d’un même manège, il se remit sur ses jambes et alla s’acheter une glace.

Il avait beaucoup de chance, la journée était chaude et belle. Il n’y avait pas tant de monde que ça non plus, bien entendu. Le monde venait de se réveiller d’un horrible cauchemar. Des échoppes restaient fermées, d’autres avaient été vandalisées. Mais les gens revenaient, avides d’oublier ces derniers mois et de pouvoir enfin se changer les idées. Alors que l’argenté observait ces sourires revenus sur le visage des enfants et des adultes, il commença à lécher avidement l’une de ses boules de glaces. Il en mettait partout sur ses manches et comme si ça ne suffisait pas, il heurta quelqu’un et se rendit compte que son autre boule venait d’atterrir sur une autre personne.

Ho ben, mince, ma glace…

Toujours de très bonne humeur et pensant avoir affaire à un enfant dû à la taille de celui qu’il venait de bousculer, Matthew décida d’abord de reprendre sa boule de glace qui s’était nichée dans les cheveux du jeune homme blond. Avant de la remettre sur le cône, il la frotta un peu avec l’une de ses manches, histoire d’enlever les restes capillaires. Ensuite, il plia ses jambes et s’abaissa pour se positionner au même niveau que cet illustre inconnu. Ce faisant, il frotta maintenant la tête de ce gamin de sorte à réparer quelque peu sa bêtise. Bien sûr, il ne resta pas silencieux pendant qu’il faisait tout cela :

Hooooooo ! Excuse-moi, mon garçon ! Je ne t’avais pas vu j’étais perdu dans mes pensées… Et dans la dégustation de cette merveilleuse glace ! Que dirais-tu si, pour me faire pardonner, je t’en offrais une ?

Après un bref instant de réflexion, notre ami commença dans un premier temps à se demander comment cela se faisait que ce jeune homme se trouvait là seul, sans l’un de ses parents. Sans le savoir, il en rajouta donc une couche en lui posant directement la question et s’il ne s’était pas par hasard perdu au milieu de cette fête foraine. Puis, dans un second temps, ses réflexions l’amenèrent à réfléchir sur l’image qu’il renvoyait : un homme habillé en noir et dont les yeux étaient masqués par un chapeau difforme pouvait-il vraiment inspirer confiance à un gamin après les dernières horreurs récentes ?

Cependant, après vérification, ce n’est pas la peur qu’il vit sur son visage. Si au départ primait l’exaspération c’était maintenant la colère qui semblait prédominer sur les traits du rejeton et le balafré n’allait pas tarder à savoir pourquoi !

La colère que restait le jeune homme déforma rapidement ses traits. Matthew ne pouvait nier qu’il s’amusait de cette situation, pensant toujours avoir à faire à un gamin un peu trop boudeur. Il relâcha donc un peu trop sa vigilance et fut pris au dépourvu lorsqu’il vit une paire d’ailes pousser au dos de la victime de sa glace et que le poing de cette dernière venait dans sa direction. Vu que notre ami était déjà accroupi, il se laissa tomber en arrière, laissant le soin au sol d’accueillir son dos. L’allonge du blondinet ne permis pas de suivre le mouvement, le poing frappant le chapeau du balafré plutôt que son visage.

Et bien, c’était moins une ! Il faudrait apprendre à gérer ta colère, mon garç- enfin, peu importe la manière dont tu veux qu’on t’appelle, si cela te fait plaisir.

Dans le même temps, le faucheur se remettait sur ses pieds, observant d’abord celui qui le regardait maintenant de haut en vol stationnaire. Il épousseta ensuite son manteau noir avant de passer la main sur son crâne et donc la base de ses cheveux, pour les remettre en ordre. L’agent était maintenant partagé. Allait-il continuer à jouer tranquillement ou bien devait-il reprendre un peu plus de sérieux ? Puisqu’il n’arrivait pas à se décider, il fit les deux dans sa tirade suivante.

Ta susceptibilité répond à ma place, jeune homme. Peut-être t’ai-je pris pour plus jeune que tu n’es mais tu n’arranges malheureusement pas ton cas, difficile de te prendre au sérieux…

Qu’allait-il donc répondre à cela ? Les yeux emplis de malice, Matthew attendait. Cette fois, il était prêt. Si cet homme cherchait encore à jouer des poings, il allait avoir une drôle de surprise lorsqu’il verrait que le blanc savait faire plus qu’esquiver ! C’est à ce moment que sa glace se rappela à lui. Il sentit un liquide froid lui parcourir la main gauche. Un bref coup d’œil lui appris qu’une nouvelle fois, la même boule s’était fait la malle. Décidément… Triste destin pour pareil délice ! Heureusement, il lui restait encore une boule.

Observant le jeune homme blond, Matthew ne put que constater l’exaspération sur son visage. Peut-être était-il venu le temps de se calmer. Après tout, la ligne était très fine entre l’amusement qu’il pouvait ressentir à titiller son interlocuteur et le fait qu’il n’avait pas non plus envie d’être trop déplaisant. Peut-être aurait-il eu moins de scrupules auparavant mais il lui sembla qu’aujourd’hui, après les quelques aventures qu’il avait vécues, il préférait ne pas ennuyer ceux qui ne le méritaient pas. Elvis avait rappelé au monde que la vie pouvait prendre fin rapidement et le balafré ne souhaitait pas être considéré comme un malotru s’il venait à mourir demain.

Le blondinet lui sembla d’ailleurs subitement plus adulte une fois qu’il commença à s’expliquer. Au passage, la petite pique qu’il lança à son intention le fit sourire. Il en avait bien le droit, notre ami le faucheur l’avait déjà jugé sur son apparence alors pourquoi se gêner ? C’est à ce moment que sa glace se rappela à son bon souvenir. Une des deux boules était tombée et l’autre commençait à fondre, le liquide coulant sur ses doigts. Puisque le destin en avait donc décidé ainsi, il la mangea donc tout de suite, sans plus perdre de temps.

Les yeux fixés sur son cornet, il entendit parfaitement la seconde tirade du drôle d’oiseau toujours face à lui. Entre deux coups de langues, et souhaitant prendre un nouveau départ sur de bonnes bases, Matthew lui répondit donc :

Pourquoi pas ? Mais Permets-moi tout d’abord de m’excuser. J’avais juste envie de m’amuser un peu, j’ai sans doute été un peu loin sans vraiment y réfléchir. *Hu-Hum* Je me présente, Williams Matthew, membre du Cipher Pol.

Il termina sa glace juste avant de racler sa gorge. Il en profita d’ailleurs pour passer la main dans ses cheveux et les rabattre en arrière, de sorte à dévoiler son visage. C’est tout de même plus poli ainsi. Quoi qu’il en soit, cela lui paraissait bizarre de décliner son identité le premier. D’habitude, il connaissait la personne en face de lui ou alors il donnait un faux nom ou omettait volontairement la partie sur son appartenance au Gouvernement Mondial. En tout cas, si cet emplumé était un criminel ou un pirate, cela risquait de le surprendre.

A tout hasard, le blanc l’observa donc, à l’affut d’un geste ou d’une réaction en ce sens et il ne fallut pas longtemps pour qu’il soit fixé !

Et voici maintenant que le balafré était dévisagé par le jeune blond ! Une chose était sûre, il ne semblait pas avoir peur de lui et le fait de dire qu’il n’en avait pas rencontré… Tout cela éveillait l’intérêt de notre ami ! Cet adorable petit ange ne devait pas être un pirate ou un hors-la-loi. Il l’avait instinctivement senti mais là, plus aucun doute n’était possible ! Souriant toujours, il attendit patiemment que son interlocuteur termine sa prise de parole. Il était donc garde du corps, enfin c’est ce qu’il affirmait. Quoi qu’il en soit, s’il disait vrai, Matthew ne connaissait que peu de gardes du corps qui « rencontraient » des membres du Cipher Pol.

Ce pourrait-il que ce garçon protège les Tenryuubitos ? Voilà qui était encore plus rare qu’un agent du gouvernement qui révélait tout de go son identité ! Edward semblait avoir un peu chaud maintenant. Ou bien était-ce de la gêne ? Impossible de le savoir sans pouvoir lire dans ses pensées… Quoi qu’il en soit, il ne perdit pas le nord et posa une nouvelle question. Mais un agent gouvernemental pouvait bien se trouver n’importe où, seul et en apparence désarmé, il pouvait se justifier en prétextant une mission. Ce n’était pas le cas d’un garde du corps qui ne se trouvait pas près d’une personne à protéger…

Le blanc allait donc décocher sa propre question en retour mais il dût d’abord suivre son vis-à-vis qui venait de commencer à marcher. Il s’expliqua qu’il souhaitait vouloir s’éloigner de possibles observateurs. Maintenant qu’il y repensait, au milieu de la foule, ils risquaient d’être entendu. Sans doute le fait d’avoir annoncé son affiliation au Gouvernement pourrait être mal perçue après les événements provoqués par Elvis. Le faucheur le suivit donc sans faire d’histoires. Sans doute avait-il été trop direct. Mais de chaque action, il en retirait des informations. Pour être aussi précautionneux, le gringalet se devait d’appartenir lui aussi au Gouvernement Mondial !

Hahaha… Un homme qui ne porte pas d’arme est-il pour autant désarmé ? On m’a simplement confié une mission, cher garde du corps. Et toi ? N’as-tu donc personne à protéger, comme, je ne sais pas… Des personnes bien dans leur bulle, dira-t-on ?

Mentir, lui ? Non, voyons ! Simplement, l'aurait-il cru s'il avait dit qu'il avait été mis au repos pour quelques jours ? Il termina sa tirade sur un chuchotement. Si un membre du Gouvernement Mondial était mal vu, qu’en serait-il d’un garde du corps de l’un de ses « odieux nobles » que la Marine a préféré sauver plutôt que le peuple ? Tout cela réveilla l’intérêt et l’amusement du balafré…

Au-delà de ton apparence, tu m’as l’air bien jeune pour t’acquitter de pareille tâche. Puis-je te demander à quel âge tu as trouvé ta vocation ?

Les mains dans le dos, une silhouette noire avançait en compagnie d'une plus petite au milieu d'une mangrove déserte, qui, alors qu'elle jouxtait la fête foraine, semblait déserte depuis longtemps. Cependant, un homme qui se tenait à l'ombre d'une tour à moitié écroulée les avait repéré et parti en avertir son chef. Le marchand d'esclave allait être ravi !

Maintenant qu’ils avaient mis le pied sur une autre mangrove, la foule n’allait plus leur poser le moindre problème. Enfin, jusqu’ici, cela n’avait pas empêché Matthew de parler normalement, sans prendre la peine de chuchoter. Après ce qu’il venait de vivre, cet affrontement contre Elvis et sa famille, il relativisait beaucoup de choses. Peut-être devenait-il trop imprudent depuis ? Ce relativisme qui l’habitait, il lui semblait parfois qu’il se muait en mélancolie. Tant de gens étaient morts… Il lui arrivait parfois de penser qu’il ne méritait pas d’avoir survécu. Quand ça arrivait, il se remémorait son but : juger le monde de façon impartiale. Peut-être que cela donnerait l’envie à d’autres de suivre ses traces ?

Au final, ça lui faisait du bien de parler avec ce jeune homme. Lui semblait vif et plein de vie, malgré le fait de devoir jouer les gardes du corps pour des personnes qui, de manière générale, méconsidéraient les autres humains. Mieux encore, le blondinet s’inquiétait pour lui. Voilà quelque chose qui donna une nouvelle fois le sourire à notre ami. Puisqu’ils étaient seuls, il allait jouer franc jeu et espérait que son vis-à-vis en ferait de même. Surtout que cette histoire de garde du corps l’intriguait… Pourquoi tant de mystères ? Préférait-il juste ne pas en parler autour de lui ?

Inutile de t’en faire pour moi, il se trouve que ma mission est justement de me détendre.

C’est alors que l’agent sembla apercevoir quelque chose du coin de l’œil. Un mouvement dans un coin surélevé, sur une des racines qui entouraient la ville délabrée. Il laissa passer cette intuition et se concentra à nouveau sur leur discussion. Après tout, il n’aurait pas été convenable de couper son interlocuteur alors qu’il avait à peine recommencé à prendre la parole. Il le laissa finir avant de reprendre, donc.

Pour un membre du Cipher Pol tel que moi, que tu laisses planer tant de mystères dans tes paroles me donne envie de te poser davantage de questions ! Dans mon cas, le Gouvernement m’a invité à rejoindre ses rangs après qu’une foule déchainée s’en soit pris à ma famille et à moi. Comme tu le vois, ils n’y sont pas allés de main morte…

Pour ponctuer sa phrase, il pointa du doigt la cicatrice sur son visage. Il lui demanda ensuite si lui aussi, il avait remarqué quelque chose, lui faisant part de ce mouvement qu’il avait vu un peu plus loin. Eux qui pensaient pouvoir relâcher la pression, ils allaient devoir rester sur leur garde. Leurs soupçons furent d’ailleurs rapidement confirmés. Plusieurs silhouettes se découpèrent et vinrent se poser au milieu de leur route. Celui au centre se présenta, c’était un revendeur d’esclaves, accompagné de ses sbires. Lorsque le balafré et l’ange se présentèrent à leur tour, une vague de ricanements passa parmi les brigands. Ils ne pouvaient bien sûr pas les vendre en tant qu’esclaves mais ils comptaient bien les capturer et les exhiber à la population.

Visiblement, cela semblait être une nouvelle dérive de ce commerce déjà nauséabond. Ils capturaient des représentants de l’ordre pour que la population puisse se défouler sur eux, pour se venger de leur gestion des attaques de morts-vivants. Ainsi ils allaient devoir combattre. A peine se mirent-ils en garde qu’un premier coup de feu fusa dans la direction du croque-mort. Heureusement, il l’esquiva aisément sans même user du Kami-E. En face, deux hommes tenaient des fusils et deux autres fonçaient sur eux. Tous deux semblaient posséder des fruits du démon, la lame qui fusa en direction de Matthew venait de s’allonger tandis qu’Edward devrait affronter un détenteur de zoan.

Le blanc dévia la lame en faisant apparaitre un pieu dans sa main, puis il exécuta un pas de lune pour le lancer sur l’un des deux tireurs. Il ne comptait pas attendre de se faire tirer dessus, tout de même !