Un coup bien placé était toujours efficace dans ce genre de situation, surtout lorsqu’il ne pouvait être attendu. L'effet de surprise était essentiel. Je n'étais pas ce genre de fourbe d'habitude, je n'aimais frapper dans cette terrible zone, cependant je n'avais pas eu le choix. Je ne devais le tuer, mes compagnons comme moi voulions des explications et un moyen de réveiller le paresseux, alors mon geste fut simple et expéditif. J'avais mis assez de force pour ne pas qu'il puisse se lever de sitôt, je ne souhaitais pas qu'il puisse nous échapper. Je ne m'en faisais guère pour la vie de Teach, il ne pouvait mourir des mains d'un faible. Le pauvre n'avait pas le niveau, mais je ne pouvais lui tenir rigueur d'avoir avait tenté de nous faire peur, de nous faire quitter l'île par la force, alors qu'il était seul contre une flotte entière de dangereux pirates. J'avais ainsi pu admiré son courage, il fallait en avoir pour se mettre sur notre route. Le problème avec ce genre de héros auto-proclamé par la stupidité, c'était que cela n'avait pas le moindre sens de vouloir s'opposer à un équipage comme celui de Barbe Noire. Nous étions tous des monstres, un ange ne pouvait donc faire le poids dans un combat perdu d'avance.

J'avais eu de la chance que Vesperine prenne les devants pour secourir le barbu. Mon rôle dans le sauvetage n'était ainsi pas au premier plan, mais au second, et cela ne me dérangeait pas. Le travail principal avait été réalisé par la jeune bleue, se mettant par ce geste, en valeur sur la flamboyante scène. J'étais content pour elle puisqu'il fallait savoir se montrer afin de se faire une renommée, une place dans l'élite où je souhaitais siéger avec les plus grands de ce monde. Le capitaine en était membre, j’espérais alors le rejoindre et devenir plus puissant que les dix autres lieutenants. J'avais totalement confiance en mes capacités, je comptais y parvenir.

Izaya, à son tour, un des nouveaux, avait l'air de vouloir se mettre en valeur en allant jusqu'à essayer d'humilier publiquement le pauvre homme qui se prenait pour un esprit, et le barbu qui ne pouvait s'y opposer. Son envie le poussait à les voir s'embrasser comme dans les contes pour enfant où lorsque le prince pose un baiser sur les lèvres de la princesse endormie, celle-ci quittera son lourd sommeil pour revenir à la vie. Dans cette histoire, qui se déroule dans la réalité, l'esprit jouera le rôle du beau prince dévoué, et Teach celui de l'adorable princesse plongée dans un terrible sommeil. Je n'étais pas à la soutenir dans sa démarche, mais je trouvais qu'il avait du cran de manquer autant de respect envers son supérieur. Je le trouvais assez drôle. Voilà pourquoi je ne me mis pas en travers de son délirant jeu théâtral, même lorsque je le vis accroché une bombe dans le dos de l'un des acteurs, je ne voulais pas gâcher le spectacle que savourais avec toute l'assemblée d'idiots qui composaient l'équipage.

Heureusement ou malheureusement, à la vue du machin explosif, il avoua avoir en sa possession un élément dans ses poches, un liquide miraculeux dont l'odeur aurait l'incroyable mérite de réveiller n'importe quel dormeur. Je n'avais pas de mal à croire que ce qu'avançait le bougre ne pouvait qu'être la vérité, il sentait bien trop la peur pour mentir. Je me demandais même s'il ne s'était pas fait dessus, car l'odeur était déjà répugnante. Bref, il ne restait qu'à voir si le contenu de la fiole était capable de réveiller le capitaine. Je l’espérais car j'avais encore beaucoup à apprendre de ce monstrueux personnage. Un petit groupe le maintenait pour ne pas qu'il tombe au sol, tandis qu'un autre ouvrit la fiole sous son nez. L'odeur était cauchemardesque. J'en avais déjà des nausées alors qu'il venait à peine de l’ouvrir.

Les embrassades qu'Izaya voulait, ne furent plus qu'un doux rêve lorsque Teach commença à reprendre goût à la vie. Les explications sur ce qui venait de se passer furent la première chose que demanda le capitaine, Izaya fut celui qui dû répondre, et cela causa l'énervement du barbu qui lui cogna dans le ventre pour le punir. Moment assez amusant que je ne n'oublierais pas, en plus de celui là, ce fut celui où l'idiot de cette île, qui possédait le pouvoir de creuser des tunnels, fit vraiment dans son pantalon quand il se trouva en face d'une bête en colère qui avait une soif de destruction débordante. J'adorais ce genre d'instant. J'avais précédemment lancé l'ordre de brûler l'île, le feu mangeait la végétation avec une certaine beauté que j'admirais, et le barbu annihila ce chaos pour instaurer le néant. Il n'y avait, maintenant, rien à contempler sur la surface de cette île. Suite à cela, comme à son habitude face à un possesseur de fruit du démon, le rituel d’absorption arriva sans attendre. Je m’interrogeais sur le fonctionnement de cette caractéristique du pouvoir des ténèbres, mais c'était un mystère dont aucun membre de l'équipage n'avait les clés pour le résoudre.

Maintenant que l'île n'était désormais qu'un bout de terre, nous n'avions plus rien à y faire. Toute la troupe de pirates attendait de savoir ce qu'il devait faire. Ils ne semblaient pas comprendre qu'il était temps de retourner aux radeaux. Dommage, moi qui pensais dormir à la belle étoile, cela allait être pour une prochaine fois. Je savais qu'il allait être temps de reprendre la mer, cela se sentait à des kilomètres. La fête avait toutefois été excellente. Nous avions particulièrement bien rigolé de toutes les aventures qui venaient de se produire, cela avait été amusant, et j'avais rencontré une partie des nouvelles recrues. J'étais fier de ce que j'avais fais, alors que je n'étais pas vraiment sociable. Je me demandais si je devais prévenir mes compagnons de voyage de repartir sur les bateaux, ou si je devais rester là sagement à attendre que Teach le fasse comme à son habitude. Je pensais donc ne rien faire, mais Vesperine me posa cette question. Elle ne savait pas que faire, alors je pris initiative de donner les ordres tout en lui répondant. Le capitaine était occupé à prendre le pouvoir de l'idiot, ce qui me laissait l'opportunité de le seconder. Je pris la parole, parlant assez fort pour que l'assemblée générale puisse m'entendre.

« Vesperine a posé une bonne question. Elle se demande ce qu'il faut faire maintenant, et j'ai l'impression qu'elle est pas la seule à s’interroger là-dessus. Alors comme vous l'avez sûrement deviner, la fête est terminée. Nous n'avons plus rien à faire sur cette terre morte, ainsi on repart en mer dès que le Cap'tain à fini. Pour le moment occupez-vous de ranger ce qu'il faut ranger sur les radeaux. »